Si j’étais à sa place…

Dans mon quotidien de médiateur et de coach, il m’arrive souvent d’être confronté à l’incompréhension d’une personne en face d’un comportement, d’une décision, d’une action qu’entreprend une autre personne et qu’elle ne parvient pas à comprendre. Parfois même qu’elle n’aurait pas pu imaginer, qu’elle ne croyait peut-être pas envisageable. « Mais comment peut-il faire ça ? se comporter de telle façon ? penser de telle manière ? Moi, à sa place… »

« Moi à sa place… »

C’est une locution courante. En tout cas elle s’invite souvent dans mon cabinet de coach et de médiateur.

Se mettre à la place de l’autre ? Vraiment ?

A bien y réfléchir, deux évidences rationnelles s’imposent à nous.

La première est que nous ne sommes pas à la place de l’autre. Nous n’y sommes pas et nous n’y serons jamais. Nous sommes dans l’impossibilité physiologique et psychologique d’être à la place de l’autre.

Ce qui me semble fondamental, c’est de comprendre que nous voyons tous le monde différemment. De façon unique, parce que nous avons tous des informations différentes. Informations amenées par notre culture, notre éducation, notre expérience… Ces différences entre nous sont en fait une bonne nouvelle : si nous étions tous identiques, nous voudrions tous faire le même métier, habiter la même maison, épouser la même personne… le monde serait invivable !

Même nous, parfois, à notre place…

Qui ne s’est jamais agacé de cette personne qui ne démarre pas devant lui quand le feu passe au vert alors qu’il est pressé ? Et qui ne s’est jamais agacé de ce coup de klaxon derrière lui alors que le feu « vient à peine de passer au vert » ? On voit bien qu’en fonction de nos informations, de notre état émotionnel du moment, on peut parfois avoir des ressentis différents voire opposés sur une situation. Nous ne sommes pas à la place de l’autre, ce qui nous empêche de savoir ce que nous ferions à sa place.

Nous prenons en compte notre raisonnement et notre émotion

En revanche, on peut être certain que l’autre fait au mieux pour lui-même en fonction des informations dont il dispose. Il essaye de protéger au mieux ses intérêts, de défendre ce qui est important pour lui. Il cherche à préserver son intégrité physique et psychologique, à nourrir ses besoins. Et nous pouvons voir ou imaginer, grâce à nos informations, certaines limites, certains dangers (réels ou supposés) de ses actions, de ses décisions. Parce que nous avons d’autres informations et que nous sommes engagés différemment d’un point de vue émotionnel dans sa situation, nous voyons les choses autrement.

La seconde évidence rationnelle est que si nous poussons le raisonnement, on réalise que l’autre décide en fonction des informations qu’il a. Si nous étions « à sa place », nous aurions donc les mêmes informations que lui. Uniquement celles-ci. Et aussi lointaine que cette idée puisse nous paraitre, la conséquence de cette situation est que, à sa place, nous agirions probablement (sûrement ?) exactement comme lui.

Que peut faire le médiateur de cette idée ?

Au moins deux réponses m’apparaissent :

Dans un premier temps, c’est une façon de rencontrer l’autre, de l’accueillir, de le considérer. Se dire qu’à sa place nous agirions comme lui, c’est une autre manière d’envisager la relation. Y compris si ses actions et ses décisions nous posent des difficultés : accepter cette idée, c’est simplement valider la légitimité de l’autre vis-à-vis de lui-même. Ce n’est pas lui dire qu’il a raison ni que nous sommes en accord avec lui. C’est le raisonnement que le médiateur favorise.

Dans un second temps, comme nous disposons d’autres informations et d’un engagement émotionnel différent, sans lui dire qu’il a tort, sans remettre en cause sa légitimité, nous pouvons cependant parfois le faire réfléchir, par exemple en lui posant des questions et en lui faisant faire ce pas de côté qui permet d’envisager les choses autrement en enrichissant son raisonnement.

2 représentations d'une même réalité

C’est ce que nous faisons en médiation et en coaching dans des conditions qui permettent de respecter la sécurité de notre client. Sans penser qu’il a tort nous l’invitons simplement à regarder d’autres facettes de la réalité. Une réalité, tellement complexe qu’elle ne nous est jamais entièrement accessible.

Alors la prochaine fois que vous commencerez une phrase par « Moi, à sa place… », comment la terminerez-vous ?

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4 commentaires sur « Si j’étais à sa place… »

  1. Excellentes réflexions Olivier
    Mais le réflexe et les impulsions (à priori non réfléchies, dans tout cela)…
    La notion de sécurité de ton interlocuteur « coaché » mériterait d’être approfondie…sûrement l’objet d’un prochain article
    Amitiés

    1. Merci Patrice pour cette question pertinente ! La sécurité, c’est le fait, par exemple, d’avoir en tête que faire prendre conscience à une personne que sa pensée était fausse et que cette erreur de jugement à contribué à la plonger dans on conflit est une responsabilité. Il est indispensable, en parallèle, de lui apporter beaucoup de soutien et de reconnaissance. Elle n’a pas fait exprès de se tromper et souvent ne cherchait qu’à améliorer une situation. Le médiateur, comme le coach, sont donc dans un équilibre permanent entre soutien et confrontation pour permettre la progression dans la prise de conscience sans développer un inutile sentiment de culpabilité qui pourrait mettre le client dans une situation psychologique délicate.

  2. Cher Olivier, c’est un plaisir de lire ton article, tellement vrai dans l’analyse des différences entre chacun, et de la perception que chacun a sur telle ou telle chose ! Continue !!!

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